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Ambiance culturelle

Paris – Banlieue

Nous étions en trajet lorsque notre ami expliqua la route :

-“Nous allons en banlieue. Il n’y a juste qu’a traverser le périphérique, et c’est juste après… Voila, nous sommes “à cote” de Paris, c’est la banlieue.”

Le collègue américain, maintenant un air surpris, lui demandant de reformuler :”What is “Banlieue” ?”

Face à son regard interloqué, notre ami, se justifia, et pour le rassurer, il lui expliqua que c’était très proche de Paris, à quelques mètres…  En effet, c’était vraiment à deux rues de la porte. Néanmoins cette nouvelle ” localité” avait un nom, ce que songea surement le collègue, même si, en effet seul le périphérique nous séparerait de la “ville” ce soir-là .

Ses explications, ne pu le satisfaire. Ainsi j’ai tenté une métaphore, expliquant que la banlieue est à Paris ce que Brooklyn est à New York. Il me retorqua : « Brooklyn est Brooklyn !  Et New York est New York ! Il n’y pas d’histoires de « banlieues » !

Et effet, sa réaction remettait en cause non seulement le besoin d’appartenance, propre à chaque individu illustré dans la pyramide de Maslow. Mais également le concept même de “communauté” , pointant du doigt l’histoire de la centralisation du pouvoir en France.

Nous n’allons pas rentrer dans ces considérations historiques, culturelles et politiques, mais force de constater que même encore aujourd’hui, la centralisation pousse en effet à ne penser la France qu’a travers le prisme « Paris » (en  posant néanmoins le fait que les précédentes reformes sur les régions, renforcent encore plus cette idée en niant les spécialités regionales).

Ainsi, en France, il y a Paris et la banlieue, Paris et la province. Le public et le privé.. Bref, comme si finalement, ce n’était que sous les règnes de la monarchie directe, que chaque villes, village et région avait sur préserver son identité et maintenir un nom.

Est ce grâce aux différents pouvoirs en place , qui maintenaient ainsi un système d’appartenance à la vie locale?

L’ organisation collective, que l’on retrouve encore aujourd’hui dans certains villages, qui font penser à une “communauté” contrairement à ce que notre notre époque qui démontre un fonctionnement par dichotomie et autonomisation?

Au-delà, de cet aspect dualiste et “individualiste” qui impacte chaque citoyens comme chacune de nos régions, de la redistribution des pouvoirs économiques à la disparition des langues locales,  ce qui m’interpella dans sa réaction, c’était avant tout le sentiment d’identité qui se retrouvait ainsi nié lorsque l’on habite « près de Paris ». Si notre ancien président avait privilégié l’identité locale, peut être que le résultat n’aurait pas donné le désastre qu’a fait émerger celui de l’identité Nationale?

Sa réaction, démontra ainsi, qu’aux États Unis, comme dans le sud de la France, tu viens ou tu vas quelque part (et pour cause vu les transports en milieu rural et le nombre de kilomètres qui séparent les etats). Il semble difficle de le nier contrairement à la région parisienne qui grâce au pass navigo permet de se donner “bonne ” conscience en se croyant parisien malgré les embouteillages).

Dans ces conditions, il est aisé de ne pas assumer que chaque lieu a une identité propre, comme si le territoire entier était une “extension” de Paris . Mais une communauté, n’est ce pas une façon de vivre propre à son environnement ?

N’est t’elle pas constitutive de notre identité?

Si l’humain a besoin de reconnaissance (1) et d’appartenance (2) ne retrouvons nous pas également ces besoins en termes organisationnels et institutionnels : Neuilly Plaisance n’a pas la même identité que Neuilly sur Seine et pourtant il s’agit bien de la banlieue !

Pourquoi alors cette absence d’enthousiasme à l’égard de son lieu de vie, comme s’il s’agissait d’une forme de culpabilité, à savoir serait ce  la honte de préférer vivre dans 70 m2 plutôt que dans 9m2 pour le même prix ?

Également, cette absence de sentiment « d’appartenance »  à une communauté locale, son environnement, ses habitants, renoncer à son édenté est ce le propre de ceux qui vivent « en dehors » de Paris ou est ce avant tout le fruit d’un conditionnement politique et culturel ?

Ce qui était le plus surprenant dans son argument, c’est qu’il illustre la dichotomie présente dans cette image.

Deux boites aux lettres distinctes dans un seul et même lieu, qui par la, pose implicitement la question du “Nous” (3) .

Un nous collectif beaucoup plus vaste qu’une ville ou un village mais un “Nous” quand même, suggérant une forme d’appartenance à, la région ou à la ville, sans pour autant être affirmée comme une identité à part entière.

Il y a la ville, la région d’une part et le reste du monde de l’autre, comme si le monde pouvait ainsi se penser de façon dichotomique.

(1) Axel Honneth, La lutte pour la reconnaissance, Folio, 2013 , Paul Ricoeur, Le parcours de la reconnaissance, Folio, 2005

(2)Abraham Maslow, A Theory of Human Motivation , Merchant Books, 2013

(3) Martin Buber, Le Je et le Tu, Aubier philosophie, 2012, Communauté, éditions de l’éclat, 2018, Emmanuel Levinas, Entre nous, Grasset, 1991

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